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2007

Armageddon

La Générale en Manufacture

commissariat &nbsp

6 Grande Rue

92310 Sèvres

Communiqué de presse:

ARMAGEDDON

Mélodie en sous-sol.

Une entrée dérobée. Une cave, un abris. un blockhaus.

L’accès, bouché par la masse menaçante d’un mur de moquette, oblige à dévier sur le côté. Là, sur la faïence clinique d’une salle blafarde, des seringues, canules, scalpels, tachés de rouge séché, bien ordonnés ou trainant un peu, comme un matériel médical abandonné après l’opération. Des reliefs – en l’occurrence ceux du vernissage.

(Sandrine Weissenburger, Nurse Dirty, 2007).

Un recoin, puis la traversée, dans la pénombre, de réserves désaffectées. Alors surgit une tour. Sombre. Formé d’un conglomérat de sacs de polypropylène noirs, gonflés et empilés comme les sacs de sable des tranchées, ce donjon hésite entre la barricade, le château gonflable des jeux d’enfants, le stock de marchandises et la décharge. Entre l’ombre et la masse, rêves de grandeur, productivisme et vanité.

(Aymeric Ebrard, Babel, 2007).

En face, au milieu d’un espace dévasté, une plaque de marbre gravée git au sol. Pierre tombale d’une étrange entreprise, elle arbore un logo autoritaire et martial tout droit sorti d’une héraldique totalitaire.

(David Cousinart et Sarah Fauguet, sans titre, 2007).

Entre les deux, comme un fleuve à traverser, une moquette administrative envahit le couloir plongé dans la nuit. C’est le tapis de l’entrée qui dérape contre le mur, dessinant de ses plis des statistiques de délits : une vague de criminalité.

(Rada Boukova, Délits, 2007).

Quand on en remonte le cours, deux ilots flottent sur le bas-côté. D’abord, la forme pleine d’un casque noir, abandonné au sol d’une cellule grise. Enigmatique et minimal accessoire de hells angel de science fiction – ange de la nuit, de la mort ou de l ‘enfer –,sans visière, oblitéré de toute ouverture, il est, malgré son profilé aérodynamique, la protection poussée jusqu’au repli autistique et la mort. Comme une vision moderne du crâne des vanités.

(Charles Lopez, Intégral, 2005).

Plus loin, au détour d’un virage, les proliférations labyrinthiques d’un circuit automobile fou, lancé à l’assaut des murs qui l’entourent. Impraticables, les lacets rampants de ses pistes noires semblent victimes d’un développement anarchique et incontrôlé, dessinant, avec l’ironie du modèle réduit, dans les emmêlements d’une boucle sans fin, le paysage cauchemardesque d’un chaos manufacturé.TCR. Total Control Racing ? Où est passée l’innocence présumée de la jeunesse…

(Aymeric Ebrard, Dédale, 2006).

De l’autre côté, dans le demi-jour d’un box entrouvert, un compte-goutte, abandonné sur une tablette, a laissé couler une dernière goutte, coagulée sur une plaquette d’analyse. La tâche noire – encre ou pétrole ? – de la mélancolie?

(Anahita Bathaie, sans titre, 2007).

En regard, un cadre en hauteur enferme la forme compacte d’une boite d’anxiolytiques dépliée, au contour rempli par un aplat opaque et sombre, rigoureux et maniaque, le griffonnage systématique et obsessionnel d’un bic noir.

(Elodie Huet, Prozac, etc, 2007).

A côté, posé sur un lutrin, un livre. A l’intérieur, les pages se délitent : entre Bible et relique, cette monographie du Corbusier, a subi avec acharnement, l’ablation de tous les insignes d’une architecture autoritaire. La découpe, systématique et obsessionnelle là aussi, de toutes les vues de bâtiments transforme l’ouvrage en une dentelle de papier, interrogeant la permanence d’un pouvoir dominant, et chronique d’une ruine annoncée… celle d’une architecture moderne dont les dérives totalitaires et concentrationnaires ont terni et brisés les utopies et les rêves.

(Eric Stéphany, Cut-up 1, 2007).

En face s’ouvre sur le format cinémascope du mur, le blanc d’un vide où tombe une silhouette musculeuse : la chute d’un sur-homme, nu et pourtant étincelant comme une armure, des milliers d’agraffes qui le dessinent. Entre fresque baroque et expressionnisme de BD, super-héro ou demi-dieu, ce géant tombé du ciel – ou de la tour derrière le mur… –, devient, par l’empreinte de son titre, une métaphore de la puissance impériale, et l’image d’une possible défaite…

(Baptiste Debombourg, Airforce One, 2007).

A ses pieds, comme un météorite écrasé, le socle d’une statue éclatée dont il ne reste plus, englués à sa base, que les pieds. Arrachés. Renvoyant à la violence iconoclaste du renversement des idoles dans les grands bouleversement de valeurs, ces chaussures, à la fois, petites – comme celles d’un enfant –, ne sont que celles d’une figure bon marché destinée à la décoration bourgeoise. Implosion du kitsch, elles sont aussi tout ce qui reste d’une enfance disparue…

(Aymeric Ebrard, sans titre, 2007).

Le détour du couloir précipite droit devant, sur un alignement de pokémons, d’un noir liquide. Posées sur socles comme des divinités animistes à implorer, ces trois figurines sont extraites d’une armée de 150, dont le nombre même évoque une vague menace. Exposées ici comme une sorte de mânes du foyer qu’il faudrait vénérer pour en calmer la fureur, entre design-merchandising, vitrine publicitaire et commerciale, ou présentation muséographique, ces ombres malveillantes semblent figées dans leur cloche de verre, qui nous protègerait de la noirceur de leurs pouvoirs – celle d’une possible invasion ? – ou bien de la mélancolie des rêves d’enfants évanouis ?

(Jean Bedez, Pocket Monsters, 2004).

S’ouvre alors le ciel étoilé d’une voie lactée. Reliés dans la nuit par les traits abstraits des schémas astronomiques et moléculaires, les points clairs dessinent une constellation animale. En s’approchant, ces points ce transforment en mouches. 3 pattes, 5 ailes, 4 yeux, ces drosophiles génétiquement modifiées sont issues de l’expérimentation scientifique.

(Thomas Fontaine, Phantoms of Paradise,2007).

Flottant abstraitement sur l’eau miroitante d’une plaque noire, une séquence d’éléments de bois reflète le motif d’une onde sonore. Reliée par la laisse d’une chaine en acier chromé, une fleur de papier épanoui son origami vénéneux autour d’un cœur-piège à oiseau. A l’ombre du mythe métamorphique d’Echo et de Narcisse, une apocalypse sentimentale se muant en méditation sur la solitude et l’incommunicabilité. Une interrogation dépressive aussi sur la possibilité d’une mutation…

(Magali Sanheira, Black Narcissus, 2007).

Alors prend tout sons sens l’inscription paranoïaque de l’issue de secours verdâtre qui fait, sur le contre-jour d’une planche, clignoter ces mots au graphisme incertain: WE ARE NOT ALONE.

(Rada Boukova, We are not alone, 2007).

A partir de là, on peut rejouer toute l’histoire, l’univers clinique, les jouets maléfiques, le casque camisole, le dernier marbre, les représentations du vide. Une tour dégonflée et des escaliers montant vers la folie et la mort.

Stairway to Heaven?

Méandres

Mélancolique, cette exposition navigue sur le fleuve de nos petites morts comme sur un styx tortueux. Tempête sous un crâne d’un retour introspectif, elle se fait exploration des passions et de la tragédie humaines, regardant avec distance, comme la rive d’un radeau, les trahisons et catastrophes qui jalonnent notre vie. Traversant le sombre inconnu de nos psychés torturées, dans le souffle retenu d’une nuit inquiète et trouble, où se perdent tous repères, la barque passe entre charybde et scylla, dans l’angoisse de réveiller les monstres endormis. Une menace plane, avec le dérisoire. A la fois tangibles et palpables. L’imminence d’un danger, le calme avant l’ouragan. Et longeant sur l’eau lisse les falaises qui y plongent, elle s’aventure dans la passe d’un défilé opaque, flottant au centre d’un précipice, creusé de gouffres et de pics, à la merci. La peur d’un abime, plus profond encore, d’un puits sans fond, des abysses… Dans l’attente anxieuse de l’embuscade et la contemplation de l’horreur froide des dégâts, l’esquif glisse en silence. Que nous réservera l’expédition?

& nbsp

Palais des glaces

Galerie du Bellay

commissariat &nbsp

PALAIS DES GLACES, by & nbsp

Résidence universitaire du Bois-Pléiade
rue du Mal. de Lattre de Tassigny
76130 Mont-Saint-Aignan (Rouen)
galeriedubellay@free.fr – http://galeriedubellay.blogspot.com

Entrée libre
du jeudi au samedi de 14h00 à 18h00
et sur rendez-vous

« Double, & nbsp est à la fois un lieu d’art (non-breaking space) et le groupe d’artistes qui l’ « habite » et le génère (no-body’s perfect) – Rada Boukova, Aymeric Ebrard, Thomas Fontaine.

La particularité d’& nbsp est d’avoir développé un processus global qui pense les expositions comme un continuum fictionnel et dont l’histoire se construit et se développe au fil d’épisodes successifs, saisons après saisons.

Construisant des terrains d’expressions variés où attitudes, gestes et familles artistiques contrastés à l’élaboration d’une histoire commune, dans l’épure tenue de modes de présentations où toute l’attention est portée sur la précision des articulations de sens et de formes, & nbsp tient à sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier, livrant ailleurs, en d’autres temps et autres lieux, des remix à géométries variables rejouant l’expérimentation locale dans des structures diverses aux contextes différents.

Bizarrement posée sur le campus comme parachutée entre parking et pelouse, l’architecture de la galerie du Bellay deviendra comme le pavillon abandonné d’une foire disparue, qui aurait gardé quelques bribes d’une attraction désertée une fois la fête terminée… Entre esthétique de fête foraine et stand de salon commercial, ce geste se propose de visiter les traces ambigües d’un bonheur commun, en explorant à travers le prisme lacunaire de l’enfance, les motifs récurrents du divertissement, du spectacle et de l’enfermement.

L’exposition, pensée comme mise à distance du monde, se jouera ici comme le miroir mental de nos vies, renvoyant à travers les distorsions des glaces déformantes, une réalité que peut-être par habitude, nous avons oublié de regarder en face.

Constitué autour d’une pièce de chacun de ses membres, ce nouvel assemblage d’& nbsp interrogera des dispositifs de plaisir aliénants, en agrégeant à ce noyau préalable une mosaïque d’œuvres s’aimantant les unes les autres, jusqu’à former un tout cohérent et protéiforme, resserré et ouvert, un condensé filant ou dénouant, c’est selon, le tissus effiloché de nos expériences.

La structure labyrinthique des cimaises – découpant en axes fuyants le cube simple de l’espace – se prêtera alors à une déambulation contemplative autour d’une certaine séduction, lisse et glaçante, de la société contemporaine. »

& nbsp